lundi 9 mai 2011

Marathon de Montréal 2010, I

Je n’ai rien d’une compétitrice forcenée. Je ne suis pas davantage une contemplative qui lévite au-dessus de tout ça. Tel l’âne mû par la carotte, j’ai besoin, pour continuer à courir, de courir après quelque chose. Un quelque chose qui m’est extérieur. Peut-être certains coureurs ont-ils cette faculté de courir pour courir, sans connaître la lassitude, dans un mantra méditatif, mais je crois que le coureur est rarement agi par une foulée désintéressée. Le plus souvent, le coureur court après quelque chose. Il court après un temps, un rival, une place dans le classement, un record personnel. L’objet invisible de sa convoitise peut aussi être la participation à une « première fois ». Carotte au puissant magnétisme, la première fois tient du rite de passage, avec son avant et son après, avec cette partition du monde entre ceux qui l’ont fait et les autres.

Parmi les premières fois, il en est une qui vaut son champ de carottes : le marathon. De quoi tenir en mouvement le coureur pendant les quelques mois que demande sa préparation. De quoi le bercer longtemps et déjà par avance de cette pensée satisfaisante « je l’ai fait ». De quoi le distinguer davantage du Reste du monde et d’une partie de la communauté même des coureurs. Humanité pucelle d’un côté, humanité connaissante de l’autre. 

Le marathon…

C’est vers cette course que mes foulées convergent depuis plusieurs semaines. Finir le marathon, en rampant s’il le faut et dans des temps honorables si possible, tels que définis dans le secret de mon âme (Car le coureur pré-marathonien déclare à qui veut l’entendre que le finir est son seul objectif, mais il cache au plus profond de lui un objectif chronométré.) Quarante-deux kilomètres et 195 mètres de mythe et de souffrance, j’y pense et j’en ai la nausée, j’ai à la fois hâte et le vertige. Mon nom figure sur la liste des inscrits, à dieu vat !

L'inscription au marathon 
(juin 2010)

En avril 2010, j’ai couru mon premier semi-marathon, à Montréal. C’est en vue de cette course que depuis janvier se retrouvait deux fois par semaine, dans les locaux d’une boutique de course à pied montréalaise, une gang de coureurs qui se voyait fournir de mois en mois un plan d’entraînement basée sur cinq sorties hebdomadaires. Voilà ce qui nous fit, avec mon amie Caroline, passer l’hiver au pas de course et guetter l’arrivée du printemps avec l’excitation des novices. « Nous allions le faire. » Mon expérience se limitait jusque là à des compétitions de 10 kilomètres, et pas nombreuses encore bien. Caroline ne devait pas en avoir plus gros dans son escarcelle. Allions-nous terminer la course ? dans quel temps ? et dans quel état ?

Comme des centaines d’autres coureurs, je terminai la course (il y eut 2090 finissants), le chrono indiquait un temps acceptable (il y eut plus de gens derrière moi que devant et je ne m’effondrai pas en passant la ligne d’arrivée. Pour Caroline aussi, mission accomplie. Tout était donc bien, je pouvais être fière de moi. Mais je ne l’étais pas vraiment : je n’étais pas épuisée et la course était déjà finie ; il me restait des jambes, du souffle mais plus de kilomètres à courir. Quelle frustration. Ah ! le manque d’expérience, il vous rend chiche sur la dépense d’énergie. Bref, mon enorgueillement (« je l’ai fait ! ») se tempérait d’un « un peu court » et d’un « peut mieux faire ». Mais n’est-ce pas là le lot de tous les coureurs de se dire la course finie « peut mieux faire » ou « à quand la prochaine ? » ? Un coureur ayant couru qui ne courrait plus à nouveau, encore et encore ne serait pas un coureur mais un simple promeneur. Après avoir couru, le coureur re-court : il l’a fait ? il le refera. Et mieux si possible.

Faire mieux, ça peut être faire plus vite, mais aussi plus long. La moitié du mythe s’étant effondrée (courir un semi n’est donc pas si terrible), je me sentais prête à en découdre avec le mythe au complet. Le 6 juin, le cœur me cognait fort dans la poitrine quand j’ai rempli le formulaire d’inscription pour le marathon qui allait se courir au début du mois de septembre à Montréal.

Nous sommes en août au moment où j’écris ces lignes. Moins d’un mois nous sépare du grand jour. 

Je me prépare.

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