mardi 2 août 2011

Partir, c’est courir très peu

Bien que dans le concept même de vacances réside lidée dun temps non contraint, de liberté, de détente, il apparaît que la pratique de la course à pied comme véhicule, précisément, de liberté et de détente pour le coureur —­­­­ de loisir —­­­­ trouve peu à sexercer pendant les vacances. Par vacances, on entend ici partir en vacances, avec valises et déplacement familial, repos sur commande et oisiveté à combler. Tentons de comprendre ce paradoxe dun temps de loisir où le loisir nest pas.



Voiron (Chartreuse, France), magasin de jouets typique
Prenons le cas de Mme D, mère de trois jeunes enfants qui pratique la course à pied à raison de quatre fois par semaine. Mme D a beaucoup de chance, elle va partir trois semaines en vacances en France avec son conjoint et ses enfants. Chez sa belle-famille dabord, sur les contreforts de la Chartreuse, et puis deux semaines dans le Quercy, à une centaine de kilomètres de Cahors, dans un gîte où séjourneront également sa belle-famille (première semaine) et sa famille (deuxième semaine). Quand Mme D prépare ses valises, elle range avec soin ses Mizuno et ses New Balance, des vêtements de sport, une ceinture dhydratation, une camel bag, sa montre gps et son plan dentraînement, ne laissant quun maigre espace pour ses petites robes, ses sandalettes et ses chemises hawaïennes (non, cest une blague). Mme D se réjouit de changer son ordinaire et de découvrir de nouveaux circuits dentraînement.

Bilan des trois semaines de vacances : 8 sorties et 82,3 km et un suivi de plan approximatif. Grossièrement, l
équivalent de deux semaines légères. Et deux kilos en plus sur la balance. Grossièrement, léquivalent de ce qui a été mangé en surplus et non brûlé par les entraînements.

Par quels mécanismes l
entrain du coureur, en loccurrence les bonnes intentions de Mme D, se trouve-t-il annulé par les vacances ?

①_Premièrement, les vacances sont caniculaires
Généralement, l
humain prend ses vacances lété parce quil veut du soleil. Cela donne bonne mine et incite les enfants à laisser leurs parents tranquilles tout le temps quils jouent avec une bassine deau, un seau et trois carottes de pin. Mais qui dit soleil dit chaud et dit parfois trop chaud. Pour le coureur, la chaleur est un ennemi, sa seule arme est le réveil-matin. Réveil-matin et vacances, vous voulez rire. Mme D na pas mis de réveil dans sa valise. 

②_Deuxièmement, les vacances sont pluvieuses
Montcabrier (Quercy, France), feux follets de cheminée
Lhumain en vacances prend un caractère de princesse et des airs chien battu quand on le contrarie. La pluie ça mouille et ça donne envie de pleurer.  Laissez-moi me prostrer dans un coin et manger du chocolat, pleure le vacancier sous la pluie. En outre, les parents ne sont pas trop de deux pour canaliser les énergies des enfants qui ont dû abandonner bassine, petit seau et carottes de pin et qui sennuient ferme.

Saint-Geoire (Chartreuse, France), route sans trottoir
③_Troisièmement, les vacances sont montagneuses
L
humain est mer ou montagne. Mme D appartient à lespèce montagne. La montagne se caractérise par des côtes mais surtout des descentes. Tout est dit. À cet égard, Mme D recommande fortement le Quercy dont les dénivelés sont moins pointus quen Chartreuse.

④_Quatrièmement, les vacances nont pas de trottoirs
L
humain est ville ou campagne. Mme D appartient à lespèce campagne. La campagne se caractérise par labsence de trottoirs, pas forcément par labsence de voitures. En outre, un chemin non carrossable nest pas toujours un chemin courable. Suggérer à lIGN de raffiner le relevé et le balisage des GR en ajoutant un indice de courabilité. À cet égard, Mme D recommande fortement le Quercy dont les départementales sont aussi asphaltées que désertes. 

⑤_Cinquièmement, les vacances sont collectives
De la grande collectivité dans le cas de Mme D La cellule de base compte cinq individus, à laquelle s
est ajoutée une ou deux cellules de trois individus (beaux-parents et belle-soeur / mère et nièces). La collectivité a, en pleine capacité (deux jours), compté jusquà 11 membres âgés de 3,5 à 81 ans. Le coureur qui a oublié son réveil-matin et/ou qui ne peut pas rivaliser avec lheure du lever de certains membres doit bien soumettre sa volonté à celle de la société et prendre part à la vie de la communauté. Si le coureur a des petits (ce qui est le cas de Mme D), des scrupules (ce qui est le cas de Mme D) et un conjoint non coureur (ce qui est le cas de Mme D), lentraînement ne peut que se dissoudre dans le vœu commun.

⑥_Sixièmement, les vacances sont touristiques
Attendu que les vacances sont collectives, que les vacances sont pluvieuses et que ce n
est pas parce quon est en vacances quil ne faut rien faire, lhumain se rend au syndicat dinitiative et compulse frénétiquement des guides touristiques à la recherche dendroits à visiter.
Montcabrier (Quercy, France), église de Saint-Avit, XIe siècle
Une grotte avec des dessins de cro-magnons dedans, un marché de producteurs, une fabrique de pruneaux confits, un quartier aux charmes pittoresques, un pan de château, un panorama étoilé par Michelin, le touriste est extrêmement occupé. Le coureur visite en amateur ces lieux recommandés (ce chemin de halage le long du Lot serait parfait pour travailler sa VMA et il ne lui a pas échappé que la boutique de sport à côté de léglise solde la collection running de lhiver passé), il voit tout ça mais il se tait. Il est seul.

Ce qu
il y a de bien avec les vacances, se dit Mme D en sortant la dernière valise du coffre, cest que ça ne dure pas toujours. Lannée prochaine, pense-t-elle, elle optera pour les Pays-Bas et pour un village de vacances avec Kids Club et cuisine hollandaise. Voilà qui devrait déjà résoudre cinq des six problèmes.

14 commentaires:

  1. Portrait tout à fait conforme des vacances à l'exérieur. Une autre facette à tes nombreuses personnalités, devrons-nous t'appeler Sybil? Excellent billet, qui nous donne des complexes après en avoir écrit un le matin même!

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  2. Heureusement pour tes lecteurs, les vacances sont aussi des sujets d'article absolument hilarants. Tu as bien fait d'en profiter. Tu auras des jambes bien reposées en prime!

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  3. Mme D, accompagnée de sa charmante cellule, gagnerait l'an prochain à faire coïncider une partie de sesdites vacances avec celles d'une autre cellule comportant au moins une autre Mme coureuse. Ainsi, absence assurée de scrupules même quand les membres mineurs des cellules concernées seraient subito confiés aux conjoints non coureurs tant en plein milieu d'un après-midi ou juste avant la corvée de vaisselle. ;)
    (Super billet! Ce que j'ai ri en voyant les feux follets de cheminée!)

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  4. Quand le coureur veut pratiquer son occupation favorite mais en est empêché, il devient contrarié et profite beaucoup moins du reste de la journée ! C'est le cas de Mr J. Et la veille, il se demande "Quand vais-je caser ma séance si on va au parc zoologique demain". Voilà pourquoi Mr J part au lever du soleil et reviens quand parfois personne n'est encore levé. Pas de chaleur, pas de contrariété, pas de conflit d'agenda, pas de scrupule et un coureur calme et serein pour le reste de la journée: Mr J se dit "J'ai fais mon truc, maintenant, on peut faire ce que vous voulez !!!" J-F

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  5. Veuillez noter, chers lecteurs, que je ne connais pas personnellement cette Mme D et sa famille. Jamais vus! ;-)

    @Pascale: C'est une proposition? :-)

    @JF: M. J a sans doute mangé un réveil-matin quand il était petit. (Commentaire de paresseuse.)

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  6. Si déjà on enlève les mots ''vacances'' et ''partir'', et qu'on garde seulement: ''Avoir des enfants'', on sait que ça relève de la haute-voltige de caser une activité individuelle dans la routine hyper-remplie. Mais alors là, si on part en vacances, on complique tout!! Des vacances à l'exérieur avec des enfants c'est exaltant, enrichissant, divertissant, tendrement réconfortant... mais reposant?? Pas tant que ça finalement... Temps libre? Définitivement pas! Mes enfants sont grands et ils ne voyagent plus avec moi, en fait ils sont si grands qu'ils n'habitent plus avec moi! Mais même sans enfants, c'est parfois compliqué de courir en voyage, alors imagine avec 3 zénervés!! :o)))

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  7. @Claire: On est d'accord: les vacances, pouah, c'est nul! ;-)

    @Pascale: Héhéhé! Youpie!

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  8. Voilà un billet qui m'a fait bien rire. Durant les 18 jours de notre voyage France-Italie-Suisse, l'été dernier, j'ai réussi à sortir 2 fois pour des petites courses de rien du tout. À l'époque j'étais seule, comme tu dis. La conversion de la tendre moitié demeure à mon avis la meilleure stratégie! Enfin, le retour à la contrainte n'aura jamais été si bien accueilli!

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  9. Oh que oui, Sonia! Avec un conjoint coureur, c'est tellement plus simple! Et sans enfants aussi. Il n'y a qu'un point sur lequel je peux travailler. Allez, Chéri, va courir!

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  10. Le Chéri résiste. Il se dit que s'il commence à courir, il ne partira peut-être pas l'année prochaine en vacances aux Pays-Bas. C'est un vrai dilemme pour lui qui adore la pluie et la cuisine hollandaise.

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  11. C'est vrai qu'une bonne tartine au gouda arrosée de karnemelk, mmmmmh. Vivement l'été prochain!

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  12. Les vacances commencent samedi, on verra si je peut tenir mon programme et démentir le proverbe "partir c'est courir très peu".
    Pas sûr qu'avoir un chéri qui court soit le meilleure solution: il en faut toujours un qui reste avec les enfants ! J'ai une collègue qui court et qui a ce problème ! Lulu Berlu

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  13. Mais si Lulu! À tour de rôle! Mais disons que les enfants trinquent. Bah, trinquer, santé, gezondheid ça se tient.
    J'attends le rapport de tes vacances et te souhaite de faire mentir le proverbe. Tiens bon!

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Chic, un commentaire ! Ne soyez pas timides, ne restez pas anonymes.