mercredi 25 janvier 2012

Sur mon tant-pis roulant

Je l'ai appelé mon tant-pis. Parce que, j’y vais, tant pis, sur mon tapis roulant, il faut bien s’entraîner. Il ne s’agit pas que de choisir ses chaussettes ou de se laisser pousser les cheveux. Non, il faut aussi s’entraîner.

Déjà que je n’ai pas encore de vrai plan bien ficelé, à 82 jours du marathon, cool Raoul, à l'aise Blaise, pas de panique Éric. Bah! plan, pas de plan, on recycle son dernier programme marathon et on y va. Mais on y va où?

Telle est la question. Sur quel chemin? Sur celui-là que la glace a lustré et qui tend des reflets meurtriers? Ou bien sur celui dont la purée floconneuse glisse encore plus sournoisement? C’est quoi aussi cette idée de programmer un marathon en avril? Juste après l'hiver. C’est n’importe quoi.

C’est mon troisième hiver au Québec et c’est la première fois que l’hiver me fait tourner en bourrique. Peut-être parce qu’il y a ce marathon en avril. Peut-être parce que la météo est particulièrement inconstante cet hiver. Pour ces deux raisons sans doute

Les hivers précédents, j’y allais, j’y allais pas, ou bien j’adaptais le type de séance aux conditions du jour (froid de pingouin / sloche / patinoire / poudreuse*). La trêve des confiseurs s’étirait jusqu’à la fonte des glaces et je prenais mon plaisir où il passait, dans la satisfaction d’avoir bravé le mercure ou dans le goût des flocons. Dans la satisfaction surtout d’avoir cassé sa gueule à l’hiver, viens là que je t’écrase sous mes semelles, faquin. Je n’aime pas l’hiver, il est trop fort, trop long, trop froid, trop sale, trop noir, trop blanc, tellement trop long, beaucoup trop long, désespérément trop long. Mais pas question de le laisser m’abattre.

Cette fois pourtant, j’ai dû battre en retraite. L’hiver m’a poussée dans l’air chauffé d’une salle de sport. Je cours sur un tapis. À raison d'une fois par semaine depuis cette nuit du 3 janvier où j'ai hésité entre le suicide et la super promo de Fit for Life. J'ai choisi la vie, la forme pour la vie. Mais, franchement! courir sur place en regardant une partie de poker ou un match de foot bouger sur un écran, c’est une petite défaite. C’est un inconfort. C’est mon tant-pis. Un expédient.

Que voulez-vous, trop de patinage et trop de pédalage, pas moyen de faire des séances de VMA à peu près dignes de ce nom dans de telles conditions. Ne pas pouvoir atteindre la vitesse prescrite, c’est une chose habituelle (même sur piste, j’y échoue systématiquement), mais ne pas parvenir à faire monter ses fréquences cardiaques, c’en est une autre. Sur le tapis, pas de problème merci, les FC prennent la poudre d’escampette. Le problème, c’est plutôt le contrôle de la vitesse. En plus de devoir faire des mathématiques britanniques (le tapis est en miles), il faut, tout en courant, appuyer sur les touches d’accélération et de décélération. Si les fractionnés sont des 30/30, par exemple, il vaut faut être super réactif sur le bouton. Je n’ai pas encore essayé une séance de VMA plus longue, j’espère que ce sera plus concluant.

Le tapis, c’est bon aussi pour la gestion du temps, je n’ai plus à me soucier de caser mes sorties avant la nuit (16h30) où Chéri craint les mauvaises rencontres et moi les mauvais pas (satanées plaques de glace). Le moins bon côté du bon côté, c’est que j'y perds une occasion de laisser Chéri se débrouiller avec les enfants parce que moi je dois a-bso-lu-ment courir tant qu’il fait jour. Une autre petite défaite, en somme.

Le tapis, ça a donc des avantages, météorologiques et familiaux. Mais le tapis, c’est tant-pis aussi :

  • On s’y ennuie. Pas forcément plus cependant qu’en courant dehors. Oui, j'avoue, dehors ou dedans, je m’ennuie parfois atrocement quand je cours.
  • On s’y déshydrate. Pas de vent relatif, pour vous rafraîchir le thermostat, vous savez, ce petit vent qui fait qu’on est si bien sur un vélo par temps de canicule. La température ambiante est estivale, l’air est sec, on y dégoutte comme une mousson.
  • On s’y épuise. Pour les raisons précitées? Je l'ignore, je sais seulement que je ne laisserai plus jamais personne dire que courir sur un tapis c'est plus facile parce que le tapis travaille à votre place. À fréquences cardiaques identiques (65%), je dirais que je fais du 5:30/km à l’air libre et du 6:00 et plus à l’air confiné.
  • On s’y échauffe les pieds. Je m’y suis fait des ampoules, c’est bien la première fois qu’il m’en pousse en courant.
  • On y fait un boucan d’enfer. J’ai un moment caressé l’idée d’en avoir un à la maison. En même temps que le tapis, il faudrait toutefois que j’achète tous les appartements de l’édifice et que j’en chasse les occupants. Sacré budget.
  • On y perd du temps. Se rendre à la salle de sport, s’habiller, courir, se doucher, se rhabiller, revenir. Une heure de perdue. 
Pas la panacée donc, certes non. C'est ma défaite hebdomadaire contre l’hiver, mon tribut à la météo, mais c'est une victoire pour ma préparation, et une plus petite pour ma vie de famille. Paris vaut bien une messe et Boston un tapis-roulons. La défaite n'est pourtant qu'un peu de recul que je donne à mon élan; quand je sors de la salle, je mords l'air du dehors et je martèle le sol fixe où JE dirige mes pas; j'ai des envies d'en découdre, j'aspire l'air glacé qui me défie et je me délecte à l'avance de la prochaine bataille. T'ar ta gueule à la récré, bonhomme hiver, je vais t'envoyer mes crampons dans la face. 
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*Conditions hivernales aussi aussi appelées "ouate de phoque".

10 commentaires:

  1. Voilà, ton tant-pis va te conduire vers Boston, ne l'oublie.

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    1. C'est juste! Et si je me plante trop catastrophiquement, j'irai le saboter et ce sera bien fait pour lui. Et si ça va bien je lui offrirai un petit coup de rouge. :-)

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  2. Super billet. Tu es si drôle! Tiens, de l'aide aux devoirs:
    http://blog-de-phil.blogspot.com/2004/12/treadmill-conversions.html

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    1. Whâââ! merci Isa! je vais imprimer ça. Y a des gens qui ont l'esprit pratique (toi et ce Phil) et qui en font profiter les autres.

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  3. Depuis que j'ai découvert ton excellent blogue, Delphine, je me régale de ton style coloré et très rigolo qui dégage très bien ton état d'esprit, auquel je m'identifie! Moi aussi je dois me préparer pour Boston envers et contre cet hiver pervers, et jusqu'à date j'ai tiré mon épingle du jeu en courant dehors -- seul le midi ou le soir, avec moins de soucis que toi, mais c'est purement contextuel, sinon en groupe (les étudiants) à l'intérieur (CPC) ou extérieur. Mais là je dois avouer que c'est limite, même avec crampons, avec cette foutue glace. Alors sage choix ce tant-pis, je suis sûr qu'il te fera dire tant mieux le 16 avril!

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    1. Merci Pierre, fidèle lecteur et frère d'infortune! Et frère de fortune à vrai parce qu'on a quand même de la chance d'aller à Boston, je ne l'oublie pas. Je vais comme toi bientôt tâter de la piste intérieure, je crois, puisque l'ère glaciaire semble s'installer pour quelques millénaires. Bah, autant en rire, tu as raison, un tant-pis pour un tant mieux. Et profitons de la variété d'espaces et de surfaces que ça introduit, du dedans, du dehors, du tapis, de la piste, du bitume, d la glace, etc., etc.

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  4. Je redis ce que j'ai dit, c'est un plaisir à lire. Pourquoi ne pas en faire profiter encore PLUS de monde :-)
    Bon courage pour l'hiver qui passe et s'en ira bientôt !
    Jeff

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    1. Merci! Et merci! Je garde tes suggestions dans un coin de mon cervelet. Et pour la météo, la terre tourne un peu trop lentement, mais je patiente.

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  5. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour toi. Avec tes entraînements sur le tant-pis, elle est encore plus grande: plus que 30 minutes j'en suis incapable! À moins que ce ne soit la coupe de cheveux du mec dans la pub, qui m'empêche de m'inscrire à un gym!

    Martin

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    1. Hihi, Martin, c'est pas plutôt les muscles et les poids de la fille qui te font peur? Tu verras, quand tu auras ton passeport pour Boston, tu iras toi aussi! Faut-il te le souhaiter, finalement? Hein? je me le demande. ;)

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