mercredi 28 mars 2012

mon papa

Aujourd'hui ça fait tout pile un an que mon papa nous a quittés. 

J'avais juste envie de le dire. De tirer un petit fil de mémoire et de le laisser dépasser.

Il avait 60 ans, il était en bonne santé, il venait de partir à la retraite, il était amoureux de ma mère, il s'occupait de ses petits-enfants, il avait l'air enfin heureux. C'est moche. C'est injuste. C'est comme ça.



Mon papa est décédé, ô ironie, sur une piste d'athlétisme. Après avoir couru. Sur cette piste qu'il fréquentait avec ma maman depuis trente ans et dans ce club qui était son autre famille.


Son décès est sans doute comptabilisé parmi les cas de mort subite du sportif. Y a-t-il un lien entre son décès et la course, n'y en a-t-il pas? On ne le saura jamais avec certitude. 


L'opinion des médecins, du moins l'hypothèse qu'avec ma famille on a choisi de retenir, est que si ça n'était pas arrivé à ce moment-là, ce serait arrivé quelques jours plus tard. Une plaque de cholestérol qui était en voyage dans ses artères et qui allait arriver au cœur, tôt ou tard. Papa a couru sa part du marathon par équipe et le voyage a pris fin. 

Ça se passait en Belgique, j'étais à Montréal. C'est vraiment loin dans ces cas-là.


Il y avait des secours sur place, des spécialistes en réanimation qui participaient au marathon et qui ont pu réagir avant même l'arrivée de l'ambulance. Tout a été tenté, rien à regretter. Si c'était arrivé à un autre moment, on devrait vivre avec des "si". Si les secours étaient arrivés plus vite, s'il n'avait pas été seul, si... Et si maman avait vécu ce choc seule, je n'ose pas l'imaginer.

Étant donné la discrétion de mon père, mourir en public est une deuxième ironie.


La question m'est passée par la tête. Est-il décent de continuer à courir après ça?


Mais est-il décent de rire, de chanter, d'aimer? Oui. Évidemment, oui. Alors on peut courir encore.

Et tâcher d'être heureux. Tout de suite. Parce qu'on ne sait pas quand le voyage prendra fin. Tôt ou tard.


Je suis sûre que, là où il est, mon papa s'inquiète encore pour moi, pour ma situation, pour mon avenir, pour celui de mes enfants. Désolée papa de te donner encore du souci, mais c'est un peu de ta faute. Tu ne l'as pas fait exprès, mais ton plus bel héritage c'est de m'avoir donné envie de vivre avec plus de légèreté.


Je suis sûre aussi que la course à pied aura apporté beaucoup de bonheur à mes parents. Du bonheur pour soi et du bonheur ensemble. Mon papa a plus vécu de la course à pied qu'il n'en est mort. Alors on peut courir encore, au nom de cette vie-là.

Les feux mollets, c'est mon papa bien sûr. Feu ses mollets et feu follet, parce que c'était un vif esprit.


Tu nous manques. Tu manques à beaucoup de personnes.

Il y a maintenant à La Louvière un marathon par relais sur piste qui s'appelle le Grand Prix Jean-Luc Lobet. Je ne sais pas si ça lui aurait fait plaisir, moi je trouve ça beau. 

11 commentaires:

  1. Touchant mot, noble et délicat, qui me laisse sans voix, moi un simple coureur. Même si je ne l'ai pas connu, j'aurai une pensée pour ton papa lors de ma prochaine course... son héritage rayonne.

    RépondreSupprimer
  2. Très touchant ton billet. Je suis sans mots. Tu as de ton papa dans tes pas de courses, et bien plus.

    RépondreSupprimer
  3. Courir après ça: mais bien sûr. C'est le relais familial. Merci d'avoir tiré le fil ici.

    RépondreSupprimer
  4. Merci pour vos mots, les amis! La course, la vie, plus de vie. Voilà. :)

    RépondreSupprimer
  5. En France, on a pensé à lui ce jour là aussi. Cours Delphine, cours après la légèreté version sourire de la vie, je suis certaine qu'il aurait aimé ça.
    Je t'embrasse fort.
    Laurence

    RépondreSupprimer
  6. Très émouvant ton texte. "Tâcher d'être heureux. Tout de suite"
    je t'embrasse Delphine

    RépondreSupprimer
  7. Je retiens aussi le 'Et tâcher d'être heureux. Tout de suite'. Je suis certaine que s'il s'inquiète encore pour toi, il est certainement aussi touché de ce fil de mémoire, beau texte.

    RépondreSupprimer
  8. C'est un bel homage à ton père,c'est très émouvant

    RépondreSupprimer
  9. bon Dieu, j'en ai les larmes qui me coulent. BG

    RépondreSupprimer
  10. Merci d'avoir lu et pensé à lui, ça me fait très plaisir.

    RépondreSupprimer

Chic, un commentaire ! Ne soyez pas timides, ne restez pas anonymes.