jeudi 20 septembre 2012

Le marathon le plus bon du monde

C'est comme Marc de Luxembourg disait, "j'ai fait 7231 marathon, et le Médoc".

Pour ma part c'est un peu moins, mais l'idée est la même. J'ai fait 2,5 marathons, et le Médoc.


Depuis le samedi 8 septembre 2012, nous appartenons avec deux chers camarades (la célèbre Pascale et mon vieil ami Jeff) à une société secrète. La société des gens qui ont fait le Médoc. Je ne puis rien en dire. Ou presque rien.

Motus.
Fin saoule jusqu'au moût, pas même, je n'en dévoilerais rien. Ou presque. De toute façon, mes souvenirs sont déjà un peu flous. Non, ce n'est pas l'alcool, ce n'est pas ça. Ce sont les bigarrures, les coulées colorées, les fourrures synthétiques, le sol cuit, le ciel trop pure, les vapeurs d'urine, la grâce des blagues gauloises, les cris, les flonflons, les amplis, la sueur, l'aura lumineuse qui nimbait des milliers de coureurs heureux. J'en suis encore étourdie.

Je ne vous dirai donc que ce qu'il me souvient et que la société du Médoc m'autorise à raconter. Pour le reste, il faudra y voir par vous-même. Je ne peux que vous souhaiter une prochaine initiation.


*

Ceux pour qui les mots guindaille et ont un sens -- ou cinq -- n'auront aucune difficulté à se représenter le tableau. Le Médoc, c'est un carnaval sauf que c'est sans boudin ni croustillons, que 99% des participants sont costumés, qu'il y a des fonds de verres de vin au lieu de pleins verres de bière et qu'il faut faire beaucoup de kilomètres (42,2) pour faire le tour de tous les cafés. Sinon, c'est tout pareil: on boit, on danse, on vomit, on cause à des inconnus, on fait pipi où on peut, on dit des tas de niaiseries, on est confraternels.

Si pour vous le carnaval c'est des dames en plumes et en string pailleté sur des chars de samba,  n'essayez même pas de vous servir du concept. Quoique côté string, on en a vu des paires de fesses, toutes mâles. Et encore plus de paires de gros seins. Et toujours (en cherchant bien) sur le thème du "marathon du Médoc à travers l'Histoire et les Civilisations".
Appel aux chercheurs en Gender Studies et en études féministes. Pourquoi certains hommes se déguisent-ils en femmes objets sexuels à la moindre occasion? Exemple: se déguiser en cro-magnon, certes, mais cro-magnonne objet sexuel, avec micro-jupe et maxi-seins; illustrer l'histoire des hiérarchies sociales en se travestissant non Nestor mais en  soubrettes avec guêpières et résille-viens-voir-mon chou. Des dizaines de fantasmes en poils de jambe et souliers de course. Mais je n'ai pas vu de femmes se balader avec de gros et mâles attributs. Pourquoi les femmes ne sont pas poussées par un irrépressible désir d'arborer un pénis dès qu'il s'agit de se déguiser? Je me demande. Soit l'envie du pénis inventée par Sigmund c'est n'importe quoi. Hierk, hierk, hierk, pauv' vieux macho. Soit ce serait perçu comme quelque chose d'outrageusement obscène et hyper transgressif et nous, les femmes, avons parfaitement intériorisé cet interdit. Bouh, bouh, le tabou, il nous en reste un gros bout. Ou bien encore l'homme est amoureux de lui-même et rêve tellement de se sauter que se vêtir en femme lui donne la fugace mais délicieuse occasion de vivre son amour au grand jour. Ô, bouquets de Narcisse. (Fin de la parenthèse.)
Donc, comme à Rio, il y avait des strings, des paillettes, des couleurs, il faisait chaud, mais l'ambiance... Comment vous expliquer, à vous qui n'avez jamais guindaillé? C'est comme un bal? un concert? une soirée étudiante? une sortie en discothèque? un 5 à 7 qui s'étire? Vous voyez ce que je veux dire? Quelques heures de grâce où tout le monde est beau et tout le monde est gentil.


Les gens courent en petites bandes soudées, personne n'est là pour la perf. En tout cas il n'y en avait pas autour de nous, en tout cas pas pour la perf sportive. Même les cro-magnons sexuels qui ont duré quelques kilomètres (mais pas plus de trois heures) avec leur mantra "allez! moins de 3 heures, on y croit!", le disaient pour rigoler. Franchement, je ne crois pas qu'ils y soient parvenus. Les vainqueurs aussi étaient aussi déguisés, de plus ils couraient assez loin derrière leur meilleur chrono, mais vite quand même*. Les gagnants repartaient avec leur poids en vin (on ne sait pas si le poids comprend les bouteilles), sympa, mais pas de quoi exciter les compétiteurs pro. En plus, même si on avait voulu (pouha ha ha), on n'y serait pas arrivés, à courir vite, trop de monde à dépasser partout. 

(On a quand même couru vite un km parce que les jambes étaient fâchées. Elles sont collet-monté, je vous jure.)

Voilà pour l'état d'esprit, et voici pour le reste. 

Pour les yeux, ouh la la, on a eu plein les mirettes. Je ne vous parle plus des gens, même si tout cela était fort réjouissant pour le regard et que nous-mêmes étions à tomber dans nos tenues de Adam, Ève, la Pomme et le serpent -- tableau d'Histoire créationniste. Il y eut d'autres Adam et Ève mais aucune autre Pomme. Rien que la nôtre. Qui était fort belle. (Adam et Ève se sont quant à eux fait traiter de pieds de vigne par des mécréants. Peuh! trop de vin, trop de raisin, trop de ceps, obsédés!) Donc, je disais, le plein des mirettes, on se l'est fait aussi par la mer de vignes et la petite vingtaine de Châteaux Machins traversés. On a mis un de ces foutoirs dans les graviers des allées et on a bien dépeigné les gazon. Ces châtelains sont tout de même fort aimables de recevoir ainsi des hordes de gueux pas propres dans leurs domaines.
Parc du Château Machin.

Château Machin.
Pour la bouche, perso, je ne suis guère amateure de vin, mais bon, je n'allais pas faire ma délicate. J'aime, j'aime pas, je prends ce qu'on m'offre, n'est-ce pas? Et puis, on en a beaucoup discuté en courant, un marathon des brasseries, ça serait bien pire. Vin, huîtres, croûton aux rillettes, biscuits salés, glace au chocolat, bouts d'entrecôte rosée... tout a fait farine au moulin et vin au foulage. Le vin ne passait pas mal du tout et les huîtres furent un délice -- assurément, mes sens étaient troublés. On a aussi bu des litres d'eau. C'est bon, l'eau.
Dégustations de Châteaux Machins.
Ravitaillement du km39, entrecôte, disco, et touti kwanti.
Pour les conseils pratiques (car, avouez, amis lecteurs, vous voulez en être, vous en serez), trois choses au moins.

Premièrement,
pensez tôt à votre déguisement. C'est l'objet d'âpres négociations et il faut manier l'art de la diplomatie et du consensus pour en venir à bout. (Pas vrai: on a juste beaucoup rigolé à ce sujet pendant plusieurs mois.) Nous sommes restés sobres, très, mais certains n'ont pas hésité à venir avec un château, des mètres de fourrure, des trucs en cuir synthétique, des perruques bien chaudes, des slips minimalistes, des casques à cornes, du body-painting, des bandes velpeau...  C'est là que se trouve la vraie perf.


Ensuite, une prépa minimale ne fait pas de tort. Quelques jours plus tôt, Chéri m'avait demandé si c'est pour le Médoc que je courais autant. Ça m'a fait sourire. Non, à moins que vous ne soyez une esprit vraiment original et que vous ne décidiez d'y aller pour battre votre meilleur temps ou pour faire un BQ, pas la peine de vous affûter sur un plan marathon infernal. N'empêche, je dois constater que j'ai bien profité de la première moitié de ma (grosse) préparation pour le marathon de Vannes.
On a vu des gens manifestement peu habitués à ce genre d'effort souffrir pas mal. Surtout qu'il faisait très chaud. Autant y aller un avec un peu de ressort. Donc, non, n'en faites pas trop, mais, oui, mettez-vous quand même du kilométrage dans les jambes histoire qu'elles roulent toutes seules et vous laissent vous concentrer sur le reste pqrc que c'est du boulot. Par contre, à l'inverse de ce que quelques petits rogolos prétendent, il n'est pas indispensable de suivre un plan oenologique à cinq sorties semaine (ni d'aimer le vin). Parce que, si le marathon est servi au complet, les verres ne le sont pas. Mais, si ça peut vous mettre en confiance, pourquoi pas?

Enfin, côté le logement, essayez de vous rapprocher le plus possible de Pauillac. C'est là ou presque que tout se passe: le départ, l'arrivée, les fêtes la veille et, le jour et le soir du marathon. On en était à une cinquantaine de kilomètres (résidence Maeva), du coup on a été très sages pour la soirée d'après-marathon. On est néanmoins allés à la pasta party la veille, la soirée Pâtes-à-caisse. C'était bon (vraiment) et c'était drôle de regarder des déjà-déguisés qui s'enlignaient pour se rendre directement sur le départ sans passer par la case dodo. De vrais athlètes de la fête franchouillarde. Mais c'était bruyant. Une femme-orchestre qui était vraiment dedans chantait vraiment fort, ouille. (Penser à rebaptiser la soirée À-fond-la-pâte-caisse.)
Plateaux repas Pâtes-à-caisse. Scandale! les verres sont vides.
Pour la récup, un tour au bar du chapiteau, juste à l'arrivée. La bière était fraîche et à volonté. Le buffet aussi. D'habitude, les arrivées de marathon tiennent de la cour des miracles et de l'hôpital de campagne et le spectateur hésite entre admiration et pitié. Ici, il n'y a pas à hésiter, le carnaval continue. Un chapiteau, des pompes à bière, de la musique à fond et tout le monde danse. On peut aussi s'affaler à l'arrière du chapiteau, dans la pelouse et sous un parasol. On fait comme on veut. De retour au camp de base, la récup s'est poursuivie avec un trempage dans la piscine. Puis une pizza. Le lendemain, un bain de mer bien frappé et quelques sauts de vague olympiques accomplis sous les yeux admiratifs des surfeurs qui glandaient sur leur planche. Et hop, la récup était faite. Un brin de lourdeur dans les jambes, rien de bien gênant, juste assez pour se souvenir tendrement qu'on "l"'a fait. Faut croire que le vin fait tout oublier; aux jambes aussi, pas qu'au cerveau. 
Équipe olympique de sauts de vague.
Pour les bébelles qu'on ramasse toujours aux courses: une médaille qui fait décapsuleur (non), un t-shirt technique pour frimer et se reconnaître entre initiés, un sac de sport (idem), une rose pour les médèmes, un gobelet en plastique et son harnais porte-gobelet (très opportun, le gobelet, pour se faire servir au bar du chapiteau à l'arrivée), une bouteille de vin dans son petit cercueil en bois parce que c'est fini, c'est triste. 

Pour le chrono, 6 h 19. Nous sommes bel et bien dans la deuxième moitié du classement. Ça a été dur de faire durer, mais Jeff nous a vraiment bien coachées. Il a bien insisté sur les temps de récupération aux ravitaillements -- tous les ravitaillement -- et sur quelques exercices bien rythmés au niveau de l'oreille interne et de la foulée trois-temps. Le résultat est là : 6 h 19 de bon gros plaisir, une adhésion pour la vie à la société des gens qui ont fait le Médoc, des amis encore plus amis et des souvenirs jusqu'à ce que l'alzheimer nous sépare. 
Km23 ?
 Arrivés.

*
Voilà, c'est tout. Je ne suis pas autorisée à en dire davantage.

Motus.

Ce fut un week-end parfait. Parfait. Parfait. Sauf que...

Sauf que, évidemment, qu'il y a un bémol. Du bouchon dans le vin. Un truc qui va forcément tourner au vinaigre. Inévitablement.

C'est comme ça, je le sais déjà, chaque année à la même époque, loin du Médoc, j'aurai un gros chagrin. Alors j'ouvrirai une bouteille de Château Machin pour oublier ou pour mieux me souvenir.
____________
* Nathalie Vasseur en 2h54 (son record: 2h40) et Thierry Guibault en 2h28 (2h24). PS: Un gros merci à Tonjipé pour tout. Lui aussi, un jour, bientôt, il fera le Médoc. Et merci aux copains pour les photos. Et pour tout le reste. Scusez, le vin me rend sentimentale.

 


Beaucoup plus de photos sur la page Facebook du marathon.

14 commentaires:

  1. Un vrai billet apéritif qui donne envie d'aller sur place déboucher différents chateaux machins

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    1. Mijo, tu habites à côté, tu n'as juste aucune excuse. Pocp (bruit de bouchon).

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    2. Oui, c'est à 2h44 de chez moi précisément. J'ai déjà trouvé un ami qui veut bien le courir avec moi l'an prochain :)

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    3. Eh ben voilà! Super thème en plus: la science fiction. Tu peux déjà commencer à t'amuser. :)

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  2. J'aimerais bien faire cette buverie, oups course.....

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    1. Une course où tu cours DANS la buvette. :)

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    2. Franchement, Norm, à voir ton sourire sur les photos, la dry-army-race a l'air pas pire :-)

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    3. Norm était menacé par un skud, c'est pour ça.

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  3. Delphiiiiiiine! Suis venu ici suite a l'invitation de Jeff... c'est une sapre promo que tu leur fais et ca donne drolement envie de le faire... Je me dois une question dans la section conseil... J'adore tout le descriptif mais je me demande si huitres, vin, glace au chocolat et course de 42.2km sous le soleil ce n'est pas une recette parfaite pour... pour vomir (voila c'est demandé)!

    Tu me manque... Bise à toi dans ta Bretagne!
    P.

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    1. Chère Patricia,

      Venir ici, c'est bien. Aller au Médoc, c'est mieux.
      Si tu n'as pas peur de courir dans le vomi, bien sûr.

      Mais pour répondre très sérieusement à cette excellente question, je te dirais qu'il y a sans doute plus de vomisseurs dans un "vrai marathon" qu'au Médoc.

      Le secret, c'est de courir pas trop vite, pour que les ingrédients ne se mélangent pas trop, tu vois?

      Il faut aussi éviter les huîtres qui ne bougent pas. L'huître fraîche frémit quand tu lui gicles du citron sur la tronche. Il faut faire le teste avant de la gober.

      La glace, c'est très bon pour les sportifs. Tu n'ignores sans doute pas, ses effet vasoconstricteurs et anesthésiants.

      Quant au vin, il me semble que tu es bien placée pour savoir que ça ne rend pas malade. Non?

      Bises à toi qui me manques itou! :)

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  4. Punaise.... Cité par Delphine.... Wouaw... Ma vie va changer.
    Sauf que quand même, 7231... t'exagères un tantinet.
    Bravo pour ton chrono. Tu m'as presque battu.
    Bravo pour ton récit, aussi. C'est la parenthèse que je préfère.
    Allez, ciao....
    Marc.

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    1. C'est certain qu'elle va changer! Tu me diras si tu as gagné au lotto ou, je ne sais pas, un truc de dingue.
      Comment ça je ne t'ai pas battu au chrono? Tu as mis combien de temps? Mes respects alors.
      (Et tu étais déguisé en quoi? Un machin avec des seins?)

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  5. 6h41, je crois... Quelque chose par là. Les organisateurs avaient prolongé le délai d'arrivée d'une demi-heure, à cause de la chaleur (c'était l'an dernier). Alors, ni une, ni deux on a sauté sur l'occasion.
    Quant à mon déguisement: très sobre: une espèce de chapeau évoquant vaguement la crinière d'un lion. N'y vois aucun symbole. Seulement le reflet de ma flemme à obéir à cette quasi-obligation vestimentaire (c'est la première chose que j'ai trouvé dans mon grenier).
    M.

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    1. Whaaa! faire la fermeture du bar comme ça, je m'incline. Aucune excuse, parce que cette année aussi, il y avait un 30 minutes de rabiot.

      Ouais, ouais, ouais, une crinière... Sans aucun doute un lapsus vestimentaire. :)

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