Marathon, prise deux (11 juin 2011)
Voilà, c’est
fait, hop, hop, hop, on n’en parle plus, on pense au prochain. Parce que
meilleur dans le marathon, c’est décidément la préparation, la cour qu’on se
fait, les coquetteries qu’on s’adresse et les roulements de mécanique. La
veille et dans les heures qui précèdent, il y a l’attente, l’angoisse, la
catatonie, une immense fatigue, je ne veux plus y aller, pourquoi je me mets
dans des états pareils, franchement, je vous demande un peu. Et puis on le fait
et puis c’est fini, en quelques heures la course est consommée. Comme la
médaille, l’épreuve prendra la poussière, même les enfants ne voudront pas de
son souvenir.
Mais non, amis
lecteurs, il y a un peu plus à en dire ! Déjà il faut dire que c’était terriblement exaltant,
ce que mon premier marathon n’était pas (voir les billets consacrés au marathon
de Montréal cuvée 2010). C’est la chose qui restera plus longtemps qu’une
médaille ou que les chiffres du chronomètre : l’ambiance.
À présent, je
sais ce que je veux faire dans la vie.
Je veux être
une rock star.
Je veux être
sur le terrain de foot au Mondial.
Je veux monter
les marches de Cannes.
Je veux
m’élancer pour la finale du saut en longueur au Mémorial Ivo Van Damme.
Électrisant.
Je comprends à présent pourquoi au foot le public s’appelle le douzième homme. « Allez Delphine ! » On se connaît ? La première fois mon oreille est surprise. Non, on ne se connaît pas, ceux qui prononcent mon nom savent juste lire les prénoms inscrits sur chaque dossard et ont envie de participer à la course à leur façon. Le marathon, et le semi, partaient à 19 heures, la belle heure pour les promeneurs, le temps est doux (et absolument parfait pour courir), les habitants prennent un bain de foule dans les odeurs de bière et les échos de la kermesse. Les rues de la vieille ville sont saturées de spectateurs orange, des couleurs d’ING, le principal sponsor qui a inondé Luxembourg de chapeaux, de ballons et de bruits. Il y a des fanfares, de la samba, de la musique germanique, et des percussions. Dans les rues un peu plus éloignées du centre, les riverains sirotent du champagne entre voisins, quelques sonos improvisées assurent l’ambiance musicale, on a aussi droit à des ravitaillements spontanés, de l’eau, des fruits. Ce n’est pas un marathon à Luxembourg, c’est le marathon de Luxembourg. Par deux fois je vois mes amis luxembourgeois venus de l’autre bout du pays (10 km) pour me soutenir. Schmûschtujur les amis !
Je comprends à présent pourquoi au foot le public s’appelle le douzième homme. « Allez Delphine ! » On se connaît ? La première fois mon oreille est surprise. Non, on ne se connaît pas, ceux qui prononcent mon nom savent juste lire les prénoms inscrits sur chaque dossard et ont envie de participer à la course à leur façon. Le marathon, et le semi, partaient à 19 heures, la belle heure pour les promeneurs, le temps est doux (et absolument parfait pour courir), les habitants prennent un bain de foule dans les odeurs de bière et les échos de la kermesse. Les rues de la vieille ville sont saturées de spectateurs orange, des couleurs d’ING, le principal sponsor qui a inondé Luxembourg de chapeaux, de ballons et de bruits. Il y a des fanfares, de la samba, de la musique germanique, et des percussions. Dans les rues un peu plus éloignées du centre, les riverains sirotent du champagne entre voisins, quelques sonos improvisées assurent l’ambiance musicale, on a aussi droit à des ravitaillements spontanés, de l’eau, des fruits. Ce n’est pas un marathon à Luxembourg, c’est le marathon de Luxembourg. Par deux fois je vois mes amis luxembourgeois venus de l’autre bout du pays (10 km) pour me soutenir. Schmûschtujur les amis !
J’avais préparé
des sujets de conversation avec moi-même et proposé un rendez-vous à mon père
au cas où j’aurais du temps à meubler, mais ce sera pour une autre fois. Le
parcours est tout sauf ennuyant. Tarabiscoté, en épingle à cheveux, dans les
vieilles pierres, les parcs, les lotissements en construction, les quartiers
résidentiels, les tours de bureaux, les champs. C’est beau, c’est à peine moins beau.
C’est bondé, c’est désert. Ça descend, ça se dévale (une première moitié en
toboggan), ça monticule, ça dégringole, ça faux-plate, ça monte. Ça monte. Et
ça descend, enfin, jusqu’à l’arrivée dans un palais des expositions éclairé
comme une discothèque et vêtu d’un tapis bleu.
Est-ce un
marathon difficile ? Je manque d’expérience pour me prononcer, je dirais
non et oui. Il n’est pas réputé roulant à cause de ses sautes de hauteur et de
ses virages. En même temps, le premier semi est terriblement rapide, si on
tient le coup, il compense largement la fin plus montueuse. Pour ma part, je
n’ai pas tenu le coup. J’ai été agressée en pleine course, un coup de poignard
dans les côtes vers le km 30, ou 29, ou 28, en bas d’une belle descente. Au
fond du trou que j’étais. Maudit point de côté, ça allait tellement bien jusque
là ! Le poignard m’est resté fiché dans le ventre une éternité. Je me suis
arrêtée plusieurs fois, j’ai respiré, je me suis pressé l’abdomen avec mes petits
poings, j’ai couru penchée vers l’avant, j’ai essayé de contrôler comme je
pouvais cette douleur qui me déchirait. Je suis à l’arrêt, je me tiens les
côtes, une demoiselle (une spectatrice) me conseille gentiment de marcher et de
bien respirer, elle a raison. Je marche quand ça s’impose, je respire,
j’avance. C’était long mais j’avais conclu un pacte avec mon cerveau, j’avais
signé pour en baver pendant 12 ou 13 km, tope là, les parties en pleine
connaissance des termes du contrat poursuivent leur entente. Douze kilomètres,
une paille dans une vie de coureur, voilà ce que je dis à mon cerveau. Je ne sais plus trop si la douleur a fini
par s’assourdir ou par me quitter, c’est très flou. Je regardais mon
« current pace » et je me disais : m’enfin ! tu vas encore
moins vite que quand tu fais tes sorties en trotti-trotta, pousse-toi
baudet ! Quand je pouvais, j’essayais de me rapprocher du 5’ au km pour
endiguer la catastrophe. J’avais un peu mal au genou et le bassin légèrement ankylosé
côté gauche, mais c’est tout. Sauf ce point de côté qui jouait les apparitions.
En vert, le dénivelé |
Sur la fin, il
y a une ligne droite de 3 ou 4 km qui monte, une ligne déserte qui s’enfonce
dans la nuit. Au début de la côte, un monsieur m’encourage en me
doublant : allez, c’est plat ici, des femmes, y en a pas beaucoup devant
vous ! Je grimace. Point de côté, je lui réponds. Je vérifie que mes sens
ne sont pas tout à fait faussés : non, môssieu, ce n’est pas plat du tout,
c’est bien ce qui me semblait. Un peu plus haut dans la même côte, c’est
l’hécatombe. Je ne suis pas la seule misérable, les marcheurs ne sont pas rares.
Je retrouve un duo qui m’avait dépassée au début de ma détresse, une paire de
copains, solidaires jusqu’au bout. Un des gars est couché, l’autre lui lève la
jambe pour le sauver d’une crampe. Je grimpe comme je peux, un pas à la fois. Je
commence à constater que je vais pouvoir rentrer sous les 3 h 29. Un
virage à gauche, un bout de lacet qui monte encore et puis, inespéré, une
descente. C’est presque fini, un ou deux kilomètres encore, en descente !
Je n’ai plus qu’à me laisser porter. Juste pousser un peu sur les jambes. Je ne
sais pas si mon point m’a quittée ou si je l’ai oublié mais je me retrouve. Une
énorme flamme rompt l’obscurité, on dirait qu’un dragon a ouvert sa gueule,
c’est le brûleur d’une montgolfière qui m’indique que l’arrivée est proche. Le
hall des expo se dérobe, je ne le vois toujours pas, on le contourne mais des
bougies éclairent maintenant la route. C’est beau la nuit, ces lumières qui
tremblent. Je ne vois pas encore l’arrivée mais je sais qu’elle est proche. Voilà
le bâtiment. J’entre dedans, je foule le tapis bleu, encore quelques mètres, c’est terminé.
3h27:09, un peu
mieux qu’à Montréal (3h29:31), malgré tout. Ouf. Suis-je déçue ? Non, du
coup. Et la première partie a été tellement merveilleuse qu’elle valait bien
une fin moins glorieuse. Je me le disais en les courant, ces kilomètres
formidables, qu’on ne me les enlèverait pas, quoi qu’il advienne.
Le camion-douches |
Nos quittons la
fête, direction la maison. Une navette nous ramène tranquillement au parking en
lisière de ville où un affichage invitait les coureurs à laisser les voitures. Le
bus longe l’avenue Kennedy, cette longue côte rectiligne de la fin. Vu du bus,
on constate que la côte est vraiment raide. Beaucoup de coureurs sont encore en
route, beaucoup marchent. En plus des sportifs affaissés, le bus embarque sur
le trajet quelques fêtards. Les jeunes tournent au champagne, la bouteille se
vide au goulot. Pour eux la nuit ne fait que commencer. Ah jeunesse
insouciante ! quand la jeunesse te quittera, tu feras comme nous, tu lui
courras après. Rendez-vous dans quinze ans.
Deux cent
cinquante kilomètres plus tard, mon lit. Je découvre en me couchant que j’ai le
dos brûlé par mon short, ouche. Il y a même le dessin de la ceinture peint à la
croûte. Joli. Le genou tire un peu, je suis courbaturée mais pas indéplaçable.
Je sens toujours une douleur sous les côtes. A priori pas trop de dégâts. Je
dors bien et longtemps.
C’était une très
belle fête. Je vous souhaite d'y virevolter un jour.
Merci pour tes commentaire dans mon blog; je te dis bravo pour ton super temps!
RépondreSupprimerMerci à toi! On s'est peut-être croisé sur le départ, c'est amusant.
RépondreSupprimerOn sent que tu t'es fait plaisir avec ce marathon. C'est toujours déconcertant se faire acclamer par son prénom alors dans un pays étranger, cela doit l'être encore plus. Félicitation.
RépondreSupprimerDelphine, c'est tout un marathon c'est certain, mais quel billet! Tu te surpasses de bien des façons.
RépondreSupprimerÀ me fier à ton billet et aux divers écrits trouvés sur le Web, c'est clairement un marathon 5*. Faudrait faire un top 5, pas des plus gros, mais des plus beaux & festifs. Suis déjà allée à celui de Lisbonne qui m'avait séduite, mais celui du Lux, c'est la grande classe!
Et dis, le buffet est vraiment comme tu décris ou bien c'est ton imagination, une fois affamée, qui t'a fait halluciner? ;)
Bravo pour le chrono... et qu'est-ce que t'es belle sur ta photo!
Comme toujours un récit haut en couleurs qui, comme pour ta course, prouve bien que tu es dans une classe à part.
RépondreSupprimer@Luc for Boston: Merci! Et oui, beaucoup de plaisir!
RépondreSupprimer@Pascale: En tout cas, marathon n°1 dans mon top 2. On verra s'il monte ou descend dans le classement avec les prochains (voyons loin). Un marathon à Lisbonne? Ouille, ça ne doit pas être de tout repos. Il faudra que tu me racontes ça. Les buffets étaient vraiment comme ça (bon, oké, pas de fontaines, de simples gobelets), même que je regrettais de na pas avoir faim. Et puis, pour la photo, tu es bien aimable (flatteuse, va!), j'avais soigné le make-up.
@Les fourmis: Trop, c'est trop, j'en suis toute blushée.
Bonjour Delphine,
RépondreSupprimerje viens de découvrir ton blog grâce au forum CAP.net
Je l'ai parcouru un peu et hop, dans mes favoris. Une belle source de motivation et d'inspiration, même pour moi qui en suis à 110 marathons ou ultra-marathons (dont celui de Québec, d'ailleurs).
Bonne continuation... Ne t'arrête pas de courir, ni d'écrire.
Marc.
Bonjour Marc,
RépondreSupprimerMerci pour la visite et les gentils mots. Que ça puisse intéresser un coureur de ton expérience, wahou! 110 marathons et ultra... laisse-moi deviner ton âge... 96 ans? Si tu passes vers Montréal, fais-moi signe!
Non, non... la moitié seulement...
RépondreSupprimerBen, justement... après tant de marathons, j'ai gagné en expérience ce que j'ai perdu en enthousiasme. J'aime toujours autant courir, mais il manque quelque chose. Et lire les CR fait revivre un peu les papillons assoupis dans mon ventre.
Je passe très régulièrement à Montréal et j'ai fait quelques courses au Canada (les semis de Montréal, la Maski-Courons du côté du lac Maskinongé, le semi de Massey en Ontario , les marathons d'Edmonton, de St.John et de Québec) et cet été je participerai probablement avec ma petite famille à la Galipote (10K à Ste Foy) et au Defi Boischatel (15K)... Qui sait si nous ne nous rencontrerons pas là-bas?
Si tu passes du côté de Québec, fais-moi signe (je suis à l'île d'Orléans);-)
Marc.
Et bien je retiens de ne pas faire trop de marathons pour laisser de l'air aux papillons. Tu soumets les tiens à rude épreuve, les pauvres. :-)
RépondreSupprimerOuh la la, tu connais beaucoup mieux le Canada que moi. Je n'y suis que depuis deux ans, cantonnée à Montréal. Là encore, je suis totalement dépassée!
Je reste en Belgique pour l'été. Mais si tu passes à Montréal fin août...
Et si tu veux rencontrer des coureurs québécois, il y en a un paquet de très accueillants sur Dailymile (voir le logo en haut à droite).
Bon séjour sur l'île et belles courses par là-bas!
Hélas (pour de multiples raisons), fin août, je serai de retour à Bruxelles. Mais je note le RV Scotia 2012. C'est un semi qui m'avait bien plu. Pour peu que la date soit compatible avec mon job et le voyage avec mon portefeuille, j'y retournerais bien volontiers.
RépondreSupprimerC'est bon de te lire Delphine. Je me suis reconnu dans ton paragraphe sur les bouts difficile et les encouragements qui viennent avec. À NY, bien que je me suis fait transporter par la foule, parfois, j'aurais aimée être seule pour vivre mes moments de souffrances. En tout cas, tu me donnes presque le goût de courir ce marathon. C'est peu dire pour une coureuse matinale comme moi. Départ à 19h. Ouf!!
RépondreSupprimerBravo pour ton PB. Suis certaine que ton papa a traversé la ligne d'arrivée à tes côtés ;)
Merci Sylvie! En conclusion, arrêtons d'encourager les coureurs à la peine. ;-)
RépondreSupprimerSuper blog j'ai fais mon premier marathon ce samedi en effet le Luxembourg est très dur
RépondreSupprimerOh merci ! Et bravo pour ce premier. Un beau baptême, non?
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